mardi 21 janvier 2025

La pratique du yoga est-elle destinée aux femmes ?

 

La pratique du yoga est-elle destinée aux femmes ?

Cette question peut paraître saugrenue voire ridicule, et pourtant, en regardant froidement le nombre de pratiquantes à travers le monde, on peut légitimement se la poser. D’après le site statista qui fait du référencement de données statistiques, il y a en France en 2023, 21 % de femmes qui pratiquent le yoga contre 5 % d’hommes, soit 4 fois plus. Pourquoi la pratique du yoga attire-t-elle plus les femmes que les hommes ? Le yoga est-il plus pratiqué par les hommes en Inde ? Y a-t-il un yoga féminin, un yoga masculin ? Quelle est la place des femmes dans l’histoire du yoga ?

Remontons à la source pour voir comment est né le yoga et comment il est devenu dans pas mal de cas une discipline de développement personnel pour les femmes.

Tout d’abord, lorsque je dis yoga, j’entends par là haṭhayoga, la discipline couramment pratiquée en occident ou du moins ses variantes et déclinaisons. 

Hatha signifie, selon la plupart des traducteurs de sanskrit, l’effort violent, on pourrait dire ardent, fervent. En tout cas, il y a cette notion de volonté, d’effort et de discipline. Et à priori, aussi bien les femmes que les hommes peuvent développer ces qualités.

Le haṭhayoga est un terme sanskrit utilisé dans les textes indiens depuis environ le XIIe siècle, mais la transmission orale est elle beaucoup plus ancienne. Et l’on sait que dans l’Inde médiévale, la place de la femme s’est largement détériorée avec certaines coutumes comme le suicide rituel (femme veuve), le mariage forcé, l’interdiction de se remarier. Et la place de la femme dans la vie spirituelle n’a été qu’au prix de personnalités hors du commun ayant pu s’extraire de leur condition.

Le haṭhayoga issu de la communauté des nāth s’est construit dans un contexte où plusieurs chercheurs, pratiquants, philosophes, médecins et érudits ont créé au fil des siècles une discipline utilisant le corps comme vecteur spirituel. Et forcément, si la place de la femme était déjà limitée socialement, son rôle a été étouffé par la domination masculine propre à l’époque. De plus, la notion d’effort et de persévérance était surtout associée à l’effort et à la démonstration physique au sens musculaire du terme. Certes, les textes font une place aux femmes, comme dans la Haṭhayogapradīpikā (petite lumière sur le haṭhayoga), mais c’est souvent du point de vue des hommes. Par exemple, chapitre I, page 62 : « Dès le début de la pratique du yoga, il faut s’abstenir d’utiliser ou de manipuler du feu, de fréquenter les femmes et d’entreprendre les voyages ».

L’image du yogi renonçant est souvent masculine et elle nous évoque des sādhus barbus aux longues nattes, mais peu d’images de renonçante ou même de nom de yoginī (pratiquante femme) connus nous viennent spontanément. Souvent, c’est plutôt l’image associée à la maternité, à l’amour infini qui est associée à la culture hindoue. D’ailleurs, le créateur historique du haṭhayoga est un homme : Gorakṣa. 

Mais si l’approche tantrique (le corps comme analogie du cosmos) est aussi le fruit de son époque, elle a tout de même permis une ouverture sur la pratique des femmes. Le haṭhayoga considère que nous sommes une analogie du cosmos et qu’il y a en nous des polarités, notamment féminines et masculines, et que, par conséquent, on peut associer certaines modalités du masculin et du féminin à tous les individus. Il y a donc du féminin et du masculin en chacun d’entre nous, et c’est l’union des polarités qui permettra de remonter à la source de la conscience énergétique.

À partir de là, la pratique s’ouvre un peu aux femmes et apparaissent alors certaines yoginī comme Lalla. Avant, la femme pouvait atteindre la libération en aidant son mari à atteindre lui-même la libération. Seules les femmes âgées pouvaient prétendre au renoncement, mais c’était le plus souvent pour être mis au ban de la société.

Lalla est né vers 1320 d’une famille de Brahmanes cultivés. Elle fut obligée de se marier à un homme de 11 ans son aîné. Initié très tôt aux enseignements du shivaïsme du Cachemire, elle part, à la mort de son mari, nue, « vêtue d’espace », danser sur les chemins du Cachemire, rejetant toutes les conventions.

Voici un extrait de ces poèmes : 

« Le tantra disparu, reste alors le mantra ».

Le mantra disparu, reste alors la pensée,

La pensée disparut, alors, plus rien, nulle participante dans le vide. Un vide s’est absorbé. »

(Les dits de Lalla, Yoga : l’encyclopédie).

Femme du Cachemire

Lalla reste une exception dans un univers quasi uniquement masculin, mais c’est peut-être là l’origine d’une pratique féminine.

Aujourd’hui, nous avons tous en tête des personnalités masculines des 2 derniers siècles (Vivekanandha, Ramakrishna, Yogananda, Iyengar, Krishnamacharya…).

Mais une autre personnalité singulière va émerger. Elle naît en 1896 dans une famille de vishnouïtes fervents. Sa mère écrivait des poèmes mystiques et composait de la musique et son père avait été un ascète avant de fonder une famille. Mariée à 12 ans à Bholanāth , elle manifeste des expériences mystiques. Son mari devient dès lors le premier disciple de sa femme.

Mā Anandamayi avec son mari, Ramani Mohan Chakrabarti de Vikramapura, qu’elle renomma Bholanāth

De 1918 à 1923, elle décide de « jouer le rôle d’une ascète ».

Mā Anandamayi contribue à ouvrir sur l’image d’ascète femme tout en utilisant des qualités plus «féminines », moins « brutales » et tournées vers un amour inconditionnel.

Dans son livre Voyage vers l’immortalité, Atmananda cite le dialogue suivant :

« Question : Est-il juste de considérer que vous êtes Dieu ? 

Mā Ananda Mayi : Dieu seul existe ; chaque chose et chaque être n’est qu’une forme de Dieu . « Il est venu donner le darshan également sous votre apparence. »

Aujourd’hui, nous pouvons citer Amma qui célèbre régulièrement le darshan « la vision du divin » à travers le monde.

Je ne suis pas historien ni sociologue et il faudrait un livre entier pour documenter la pratique des femmes dans l’histoire du Yoga, mais ces exemples nous donnent un aperçu de la figure quasi inexistante de l’ascète femme.

Alors comment en est-on arrivé à cette pratique moderne en grande partie féminine ?

J’enseigne depuis 15 ans et dans mes cours, il y a environ 20 % d’hommes et ce chiffre reste constant au fil des ans, malgré le boom du yoga ces dernières années. Il me semble qu’il y a un peu plus d’hommes dans les courants modernes et plus physiques du haṭhayoga. Les hommes semblent rechercher une pratique plus dans le « paraître » et plus athlétique, comme si s’asseoir en méditation n’était pas assez spectaculaire. Pourtant, au départ, le yoga est une voie héroïque qui demande du courage, une voie d’introspection sans concession qui demande parfois de méditer des heures sans bouger. Or c’est d’abord la valeur masculine du héros et notamment du guerrier qui demandait au pratiquant des qualités de détermination et d’abnégation sans concessions. Cette figure était présente dans l’image du guerrier Arjuna, par exemple dans la Bhagavadgītā qui doit faire face à l’aide de Krishna (encore une figure masculine) à ses démons. Les premiers yogi étaient des hommes forts, au sens courageux et capables de s’élever. La virilité dans le sens premier du terme, c’est-à-dire se tenir droit. D’ailleurs, en sanskrit vīra, l’étymologie de virilité signifie «héros, fort ».

Je ne crois pas que les hommes modernes soient forcément lâches, mais pour différentes raisons, ils pensent que le courage est ailleurs. C’est sans doute un héritage judéo-chrétien de la figure paternelle, un héritage de notre part préhistorique de cueilleurs-chasseurs qui doit lutter pour survivre et où les muscles sont importants, puis l’héritage d’une société qui façonne des êtres avec des représentations. L’homme doit être fort et ne pas se plaindre, être un héros de conte qui sauve une princesse, un individu qui ne montre pas sa souffrance, peut-être aussi que les guerres sont passées par là, sans oublier la biologie avec la testostérone qui produit une attitude différente dans le corps et la façon d’être.

Il y a aussi le capitalisme et la publicité qui ont vu la femme et le yoga comme un produit que l’on vend, une discipline à la mode qui permet au culte de l’individu parfait de prospérer. Une femme souple, jeune, jolie, mère parfaite, zen et qui fait du yoga comme on vendait à l’époque des cafetières à la ménagère de 50 ans…

Heureusement, pratiqué avec sérieux, le yoga est une discipline, une doctrine hors des conventions, des conditionnements et où seul compte l’expérience intérieure du soi.

Le soi indien n’est pas le soi étriqué et soumis aux limites de la personne, mais le soi divin, la lumière, le vide absorbé dont parle Lalla, le dieu de Mā Ananda Mayi , le darshan d’Amma.

Puissent tous les pratiquantes et les pratiquants le connaître quel que soit leur genre avec ardeur et soucis d’authenticité, après tout, yoga signifie union.

jeudi 23 mai 2024

Comment définir un professeur de Yoga ?

 

Comment définir un professeur de Yoga?

Dans la jungle qu’est devenu le Yoga avec son aspect mondialisé et ces formes multiples, je vais tenter de définir ce qu’est le professeur de Yoga, au milieu de tout ça.

Tout d’abord il faut savoir de quel enseignement du Yoga nous parlons : JñānaYoga (Yoga de la connaissance), Karma Yoga (Yoga de l’action), Bahkti Yoga (Yoga de la dévotion), Haṭha yoga (Yoga de l’effort ardent)…

De toute évidence, en occident une grande majorité de professeurs enseignent le Haṭha yoga ou tout du moins une inspiration de cette voie. En effet le Haṭha yoga, qui utilise le corps comme véhicule spirituel et qui était encore un Yoga assez anonyme il y a un siècle, est devenu le Yoga de façon générale quand on emploie le terme. Le mot Yoga est devenu commun, c’est dorénavant une activité comme les autres et quand on utilise le mot Yoga dans le monde occidental nous vient souvent en premier l’image d’une jeune femme à l’apogée de ses capacités physiques, qui fait une posture que seul 1 % de la population peut envisager de réaliser ! Ou alors des gens allongés proches de l’endormissement et parfaitement détendus !

Le Haṭha yoga se définit comme le Yoga de l’effort « violent ». Ce n’est pas violent au sens où il est violent envers les autres ou soi-même mais plutôt l’effort ardentl’ascèse spirituelle qui doit faire surgir un feu intérieur capable de purifier les obstacles de nos limites matérielles. C’est aussi une analogie du cosmos, le corps humain comme cartographie du corps cosmique.

Vous conviendrez que nous nous sommes bien éloignés de cette vision dans notre monde globalisé. Et ce parfois même à la source, en Inde où être professeur de Yoga n’est pas forcément la garantie d’un bel enseignement ou d’une grand probité spirituelle.

Le Haṭha yoga est devenu populaire sous l’influence de maîtres indiens comme Krishnamacharya et ses élèves Pattabbhi Jois et Iyengar. Qu’on les aime ou pas, qu’on le veuille ou non, ces personnages ont largement contribué à populariser la discipline.

Krishnamacharya

Et avec l’arrivée de médias comme la télé, leurs prouesses physiques sont celles qui ont le plus attiré et épaté l’œil des spectateurs occidentaux. Combiné avec une carence de vie spirituelle en Occident, Le Yoga venait répondre à plusieurs problématiques du monde moderne : détresse intérieure, vieillissement de la population, quête de l’individu à outrance…

Pour voir l’histoire de l’évolution de cette discipline, je vous invite à consulter le remarquable travail universitaire de deux Yogis chercheurs et pratiquants, Mark Singleton et James Mallinson (Les racines du Yoga, Aux origines du Yoga postural). 

Alors pourquoi le Yoga est-il devenu, dans de nombreux cours, cette sorte de gymnastique hygiéniste aux vertus relaxantes ? Et qui est le « prof » de Yoga au milieu de tout ça ?

Comme je l’ai dit précédemment le Yoga, et donc le Haṭha yoga, est une pratique complète qui tient compte de tous les paramètres de l’individu et qui par ces aspects multiples répond aux nombreuses incertitudes de notre monde contemporain. En effet, il a une influence sur la santé grâce à son travail physique mais a aussi une incidence sur l’équilibre du système sympathique grâce à sa « science du souffle ». Il répond à l’épuisement individuel et collectif d’une société où l’on est sursollicité de toute part. Et enfin il donne une vision plus scientifique de la spiritualité à un monde ou le scientifique est devenu une quasi religion. C’est en quelque sorte une philosophie incarnée. Il n’y a qu’à voir les nombreuses études faites dorénavant sur les effets de la méditation notamment. Même si les initiateurs de ses recherches sont plutôt bouddhistes, comme Mathieu Ricard, il n’en demeure pas moi qu’ils contribuent à cette «validation » de l’efficacité du Yoga.

Alors qui est le professeur de Yoga ? A-t-il besoin d’une formation ? Ou d’une initiation ? Peut-on être occidental et professeur de Yoga ? Un professeur de Yoga est-il un maître ? Est-il un Guru ?

Qui est le professeur de Yoga ?

Le professeur de Yoga en sanskrit c’est l’Ācārya. Ācārya est un terme sanskrit qui signifie «celui qui enseigne par sa conduite». Un Ācārya est un enseignant qui montre l’exemple. De plus, Ācārya peut être utilisé comme suffixe pour un enseignant de n’importe quelle discipline. C’est un nom de famille brahmane qui peut être trouvé à travers le Népal et l’Inde. 

Le professeur de Yoga est donc à la fois un titre et un exemple à tenir. Ce titre il l’obtient soit à partir d’une longue étude auprès de ses professeurs, soit, plus couramment aujourd’hui, auprès d’une école de formation. L’exemple à tenir il le tient de par les enseignements qu’il a reçu mais aussi de la mise en pratique quotidienne de ce qu’il a appris. C’est donc une grande responsabilité qui implique un profond engagement.

Je vais graduer ce que je considère comme les différentes étapes du professeur pour plus du clarté : le professeur (Ācārya), le maître et le Guru. Je reviendrai sur ces termes.

Le professeur au sens de titre et d’engagement est à mon avis la première étape de l’enseignement. Avoir reçu un enseignement sérieux, s’investir dans la recherche, faire preuve de pédagogie et respecter la pluralité de ses élèves. Et humblement s’appliquer à progresser sur le chemin.

A t’il besoin d’une formation ?

De toute évidence oui. Comment transmettre soi même ce que l’on a pas appris et expérimenté? Mais c’est là où les points de vue divergent. Certains diront qu’il faut une expérience directe, divine pour enseigner le Yoga, d’autres diront qu’il faut passer par une école. D’autres encore que seuls des Guru indiens peuvent passer le message.

Le Yoga vient d’Inde mais il fait preuve d’universalisme et peut très bien être appliqué à n’importe quel être humain. Ce vieux débat de la tradition et de la pureté de l’enseignement peut être dangereux. A chaque fois qu’on met en avant la pureté il y a toujours derrière l’impureté de l’autre. Il y a partout des gens sincères dans leur démarches, il y a de bons enseignants dans toutes sortes de lieux, en mjc, en individuel, issu de Guru indiens ou pas.

L’authenticité et la durée de formation quelle qu’elle soit me paraissent des critères essentiels. Chacun transmet d’où il en est, de ce qu’il a assimilé, de ce qu’il a vécu. Et comme dans tous les domaines, les meilleurs dans leur pratique ne sont pas toujours les meilleurs passeurs. La pédagogie a une partie d’inné et une grande partie d’étude, de curiosité et nécessite une grande empathie tout en sachent prendre la distance nécessaire.

Les nombreux courants de Yoga dans le monde, les nombreuses pratiques farfelues, les récupérations, la façon du commerce mondialisé de travestir le Yoga ou encore le manque de formation et les formations trop rapides perdent les pratiquants. Mais aussi l’illusion d’une formation indienne qui aurait plus de valeur. Aujourd’hui pour répondre au format moderne les formations sont raccourcies parfois à un mois et leur donner un côté indien donne l’illusion d’une « vraie » formation. 

Comment identifier et authentifier un enseignement de Yoga ?

Un critère me paraît essentiel, la Paramparā . Ce terme décrit une lignée de transmission ininterrompue de professeurs à élèves. Cette chaîne ininterrompue d’élèves qui deviennent à leur tour professeurs donne de la crédibilité à un enseignement. Pour valider un enseignement on peut penser qu’ il faut au moins trois génération de professeurs au dessus de soi. Par exemple dans la HaṭhaYogaPradīpikā (la petite lumière sur le Haṭha) l’auteur Svātmārāma cite une trentaine d’enseignants au dessus de lui. Bien que ce critère ne soit pas le seul pour faire un bon professeur mais il donne un traçabilité, une inscription dans un courant.

Qu’en est-il de l’initiation ?

L’initiation auprès de grands maîtres indiens, certains l’ont faite et font preuve d’une démarche sincère. C’est l’essence même du Yoga, une transmission directe de maître à disciple. Est-ce qu’elle garantit ensuite un bel enseignement ? On en revient à la vertu d’exemple qui est centrale dans la transmission indienne. C’est d’abord dans notre attitude qu’on enseigne, la loyauté, la recherche, l’abandon à plus large que soi, l’humilité. La force de l’exemple qu’on pouvait retrouver chez des personnages comme Gandhi, Mandela, Luther King et des Yogis comme Ramakrishna.

Évidemment il ne faut pas non plus négliger l’enseignement des textes sacrés et des postures, l’attitude est la base essentielle mais elle doit se compléter avec une bonne connaissance de ces deux aspects et l’âge et l’expérience sont des atouts non négligeables dans la valeur de l’enseignement.

Sri Ramakrishna Paramahamsa

Peut-on être occidental et professeur de Yoga ?

Je ne peux répondre que oui étant moi même dans cette situation ! Il me semble qu’il faut faire attention à l’appropriation culturelle. Ne pas singer les indiens. Transmettre l’universalisme du Yoga en tenant compte des particularités sociétales de notre environnementRespecter la tradition et la source du Yoga, s’appuyer sur les textes référents, ne pas inventer ce que l’on ne connaît pas ou n’a pas expérimenté. Nous attirons les élèves qui nous ressemblent. Comme je l’ai dit précédemment la sincérité, la recherche et l’humilité sont de mise. 

Professeur de Yoga est devenu un métier. C’est un non sens pour les puristes mais soyons clair à de rares exceptions près on ne devient pas riche en enseignant le Yoga. Et puis le rapport à l’argent n’enlève pas la valeur de l’enseignant et la profondeur de son enseignement, simplement en occident la valeur tutélaire du maître et son aura n’est absolument pas transposable. Le doûte voire la défiance envers cette «autorité » est quasi systématique chez nous. L’échange par la monnaie donne un accord tacite qui engage les deux partis.

Aujourd’hui le Yoga est même enseigné dans des entreprises indiennes pour répondre au stress. On peut y voir un effet boomerang. C’est devenu aussi un argument politique et le gouvernement indien s’est doté d’un ministère dédié au Yoga et l’Ayurveda.

Un professeur de Yoga est-il un maître ? Est-il un Guru ?

Je reviens donc vers la différence que je fais entre ces trois termes.

  • Le professeur : Première étape de l’enseignement. Elle demande une étude sérieuse, de la pédagogie et une recherche permanente.
  • Le maître : ce sont les élèves qui désigne le maître, personne ne s’autoproclame, c’est l’évidence de l’exemple, l’attitude face aux épreuves. La force du quotidien.
  • Le Guru : il faut redonner ses lettres de noblesse à ce mot galvaudé, en Occident, où il a beaucoup perdu son sens premier et pire même qui inquiète souvent…parfois à juste raison lorsque l’on voit certaines dérives.
    Guru c’est celui qui pèse, qui dissipe des ténèbres. C’est la personne qui par sa seule présence vous donne de la clarté, de la confiance, et dont la seule présence donne beaucoup d’amour et de lumière.

Pour conclure je dirai qu’être professeur de Yoga est un chemin, un art de vivre, une quête de vérité, faite de beaucoup d’abnégation, d’une remise en question permanente et d’une recherche sérieuse. 

La formation, l’initiation est une étape essentielle sur ce chemin, elle est le début, un tremplin.

Chacun utilisera son propre discernement en fonction de tous les critères que nous avons vu pour reconnaître le professeur qui l’aidera à évoluer sur ce parcours. Et s’il trouve un maître ou un Guru alors la profondeur de son parcours n’en sera que plus grande.

Et surtout derrière tout cela il reste la pratique !

Bonne pratique !!!


jeudi 9 mai 2024

Le Soufi, un Yogi de l’islam ?

 

Le soufisme est une branche mystique de l’Islam. Eric Geoffroy, islamologue et membre d’un ordre soufi, nous donne ces définitions du mot soufisme. Il y a plusieurs significations possibles, deux sont possibles d’un point de vue linguistique :

  • Une déclinaison du verbe arabe sûfya qui signifie «il a été purifié». Ici le but du soufisme serait donc de retrouver l’état originel dépouillé de tout conditionnement.
  • La seconde définition part de l’étymologie du mot sûfi dérivé de sûf qui signifie la laine. Cela fait référence à un fil, une chaîne initiatique éternelle de maître à disciple fondée sur une transmission ésotérique rappellant la paramparā, chaîne de transmission ininterrompue des enseignements du Hatha Yoga.

Le soufisme est en grande partie sunnite mais aussi chiite. S’étant développé dans un environnement sunnite il fait référence à la Sunna. La sunna, سنة, «loi», «tradition» désigne la tradition et les pratiques du prophète islamique Mahomet, et constitue un modèle à suivre pour la plupart des musulmans.

Ayant aussi bien une composante théologique que pratique, le soufisme s’étend du Sénégal à l’Indonésie, des Balkans au Maghreb, du proche-Orient à l’Andalousie.

Le soufisme qui s’est développé sous forme de confrérie au XIIIème siècle est d’abord le cheminement intérieur de personnes qui par l’intermédiaire de pratiques corporelles, de souffle, de danse, de lecture et de musique donne un accès direct à la source de vie.

C’est là que l’on peut faire un rapprochement avec les pratiquants du Hatha Yoga et leur discipline spirituelle liée aux corps. 

Parmi les soufis les plus célèbres ont pense tout de suite aux fakirs, faqīr signifiant «pauvre». Ces fous de dieux cherchent l’extase mystique par des pratiques parfois extrêmes comme celles des Saddhus, les hommes saints indiens, notamment par la danse et la musique ou même le Yoga. Généralement on retient plutôt le côté spectaculaire de la pratique de ces fakirs presque circassiens (corps transpercé, clous etc…) que son aspect de renoncement, et pourtant c’est avant tout une pratique quotidienne dévouée au divin.

Pour illustrer certaines analogies entre Yogi et Soufi, je vais évoquer une deuxième communauté qui est celle bien connue des Derviches, connue notamment grâce aux célèbres derviches tourneurs.

Un Derviche, du persan درويش, derviš, «pauvre, mendiant», est une personne qui suit la voie ésotérique soufie Tarîqa,«voie, méthode», requérant l’acceptation du dénuement comme voie de recherche spirituelle, ainsi que le choix de vie d’une pauvreté et d’une austérité extrêmes. Les communautés derviches sont présentes partout au Moyen Orient (Iran, Syrie, Turquie) et jusqu’en Albanie (par exemple les confréries Bektachies).

Je vais présenter la plus connue des confréries soufies, celle du poète persan Djalâl ad-Dîn Rûmî (1207-1273) .

C’est le fondateur de l’ordre soufi Mevlevi, celui des derviches tourneurs. Leur façon de voir la vie spirituelle rappelle à bien des égard celle des Yogi.
« La danse cosmique » ou la cérémonie du Sama est une analogie du cosmos.

Les musiciens, notamment le joueur de ney, et les danseurs créent un système solaire ou les planètes symbolisées par les danseurs tournent autours du soleil symbolisé par le maître de cérémonie qui psalmodie. Une main tournée vers la terre, l’autre vers le ciel, les danseurs sont le relais entre deux mondes. Et leur grand chapeau sur la tête évoque une pierre tombale qui signifie que le derviche est mort une fois, pour renaître à sa vie spirituelle.

Bien entendu tout ceci fait penser à la doctrine du Yogi dans laquelle il y a une analogie entre le corps yogique et le cosmos. Tout ce qui est inscrit dans l’être humain est inscrit dans une cartographie, dans le système interne qui est le reflet de l’infiniment grand. Dans la cartographie du yogi il est question de cakra (roues),  nāḍī (rivières ou canaux) suṣumṇā (canal central), de féminin, de masculin etc…

Yoga signifie union et le Yogi cherche à aller de l’âme individuelle Jīvātman vers l’âme universelle Brahmātman.

Et quoi de mieux pour montrer que l’esprit du soufi est le même que celui du Yogi ou de la Yoginī que de citer un poème de Rumî :

« Ô jour, lève-toi,
tes atomes dansent,
les âmes, éperdues d’extase, dansent,
A l’oreille, je te dirai où entraîne la danse,
Tous les atomes qui se trouvent dans l’air et dans le désert,
Sache bien qu’ils sont épris comme nous,
Et que chaque atome, heureux ou misérable,
Est étourdi par le soleil de l’âme universelle ».

Djalâl ad-Dîn Rûmî

On peut prolonger la comparaison avec un autre poème de Rumi qui évoque l’âme de la flûte ney comme véhicule vers le divin et retours vers la source.

Pour le Yogi, la maîtrise du prāṇa, le souffle vital, est axial dans sa démarche spirituelle. Le souffle comme conscience-énergie. Et ce souffle fait penser au souffle de la flûte ney ici.


« Ecoute le ney (la flûte de roseau) raconter une histoire, il se lamente de la séparation :  » Depuis qu’on m’a coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir l’homme et la femme.  » Je veux un cœur déchiré par la séparation pour y verser la douleur du désir. « Quiconque demeure loin de sa source aspire à l’instant où il lui sera à nouveau uni. « Moi, je me suis plaint en toute compagnie, je me suis associé à ceux qui se réjouissent comme à ceux qui pleurent.  » Chacun m’a compris selon ses propres sentiments ; mais nul n’a cherché à connaître mes secrets.  » Mon secret, pourtant, n’est pas loin de ma plainte, mais l’oreille et l’œil ne savent le percevoir.  » Le corps n’est pas voilé à l’âme, ni l’âme au corps ; cependant, nul ne peut voir l’âme.  » C’est du feu, non du vent, le son de la flûte : que s’anéantisse celui à qui manque cette flamme !  » C’est le feu de l’Amour qui est dans le roseau, c’est l’ardeur de l’Amour qui fait bouillonner le vin.  » La flûte est la confidente de celui qui est séparé de son Ami : ses accents déchirent nos voiles.  » Qui vit jamais un poison et un antidote comme la flûte ? Qui vit jamais un consolateur et un amoureux comme la flûte ?  » La flûte parle de la Voie ensanglantée de l’Amour, elle rappelle l’histoire de la passion de Madjnūn.  » A celui-là seul qui a renoncé au sens est confié ce sens : la langue n’a d’autre client que l’oreille.  » Dans notre affliction, les jours sont devenus moroses ; nos jours cheminent avec les peines brûlantes.  » Si nos jours se sont enfuis, qu’importe ! Demeure, ô Toi à la sainteté de nul n’est comparable !  » Quiconque n’est pas un poisson devient abreuvé de Son eau ; quiconque est privé du pain quotidien trouve la journée longue. Celui qui n’a point d’expérience ne peut comprendre l’état de celui qui sait ; mes paroles doivent donc être brèves. Adieu ! » »

Djalâl ad-Dîn Rûmî

On peut voir aussi cette démarche soufie comme la Bhakti, le Yoga de la dévotion. L’amour divin comme réalisation du Soi.

A travers les rites initiatiques, des expériences d’élévation et une ascèse, les adeptes cherchent à fusionner avec Dieu, pour ne faire plus qu’un avec lui. Ils pratiquent en séance collective le Zikr, la répétition de l’un des quatre-vingt-dix neuf noms d’Allah.

Ces séances de chant, peuvent faire penser aux récitations de mantra indiens où un retour à la vibration primordiale est recherché.

Pour conclure, on peut dire qu’il y a de grandes convergences entre Yogi et Soufi, la principale étant une recherche spirituelle fondée sur une quête intérieure authentique qui passe par la voie du corps. Le corps devient alors, une antenne, un relais du cosmos ou des forces interagissent et se doivent à la fois d’être maîtrisées et libérées.

Certes il y a des divergences dans les codes, l’organisation sociale, et surtout dans leurs origines hindoues et musulmanes, mais hindous et musulmans ont toujours été côte à côte, pour le meilleur et parfois le pire. Et ces traditions se sont influencées. Ainsi nous reste alors cette voie de salut, à la fois sincère et poétique, et qui réenchante le monde.


dimanche 16 avril 2023

Stage de Yoga dans le Vercors été 2023

 

Le rôle des bandha dans l'éveil de la Kuṇḍalinī



Le terme Kuṇḍalinī est souvent nimbé de mystères et de fantasmes surtout dans notre culture occidentale.

Nous allons aborder dans ce stage ce qu'est philosophiquement la kudalini, sa symbolique mais aussi et surtout comment l'activée dans la pratique grâce notamment aux bandhas (verrous, sceaux énergétiques) qui s'échelonnent du bas vers le haut de la colonne vertébrale.

Les 4 bandha principaux seront étudiés ainsi que certains mudrā (synonyme de bandha ).

Il y aura aussi des enchaînements, postures, pranayama, mantra et méditation.

Une pratique exigente mais adaptable à chacun grâce à de nombreux ajustements, une pratique qui permet un accès à une plus grande conscience d'être, le tout dans le partage et la simplicité.


Dates : du samedi 29  au mardi 1er août


Horaires :10h à 12h30 et 15h à 17h30


Tarif : 190 €, 80 € à l'inscription.